J’ai profité d’une bonnes nuit et d’une connexion internet pour étudier mon parcours du jour jusqu’à Estaleiro par un petit chemin suivant le tracé de la rivière Palmital, de là je pourrais prendre un petit ferry pour traverser vers São Francisco do Sul. Ce tracé doit me faire passer par la forêt et ainsi éviter le trafic intense des camions dans la région. Mes affaires ont pu sécher pendant la nuit, le petit déjeuner est très copieux, ça tombe bien je meurs de faim. Jus d’orange, café, melon, banane, mamão, omelette, pain, fromage, jambon, hot-dogs en sauce, croque monsieur, gâteaux de coco, de manioc, la totale, résultat, je me gave puis charge la mule avant de commencer ma pérégrination du jour. Au début la route est asphalté, la transmission fait des siennes, n'est pas fluide comme elle devrait, je m'arrête à la première station essence pour vérifier tout ça et revoir l'alignement de la chaîne que j'ai modifié hier pendant l'étape pluvieuse en raison de la surtension.

Permission requise et acceptée, je discute avec les employés pendant que je commence la manutention du vélo.

En apprenant que je suis français, l'un deux m'annonce de suite qu'il déteste la France. Interloqué je lui demande pourquoi et s'il a déjà visité le pays. Il me retorque que non mais que la défaite du Brésil en final de la coupe du monde en 1998 lui reste en travers de la gorge. MDR :-) " mec ceci n'est qu'un match de foot et n'a aucune influence profonde sur ta vie !!! "

On change rapidement de sujet heureusement. Dépannage et réalignement de la chaîne réussi avec succès je reprends la route qui, à ma grand surprise, s'avère fréquentée par énormément de camions, d'ici une dizaine de kilomètre je devrais en sortir. 

Finalement je pédale un peu plus sans trouver ma bifurcation et je finis par discuter avec un motocycliste qui me confirme que je suis allé trop loin et que la route que je cherche se trouve derrière moi à environ 2-3 km.

Retour, quelques dizaines de minutes plus tard je trouve enfin la route qui m'intéresse, elle se transforme en chemin cabossé puis en terre très rapidement. Passage serpentant au milieu de la forêt et des collines environnantes, calme, quiétude, nature riche, eau et étangs abondants, je me délecte de cette portion bucolique. Après la pause déjeuner où je profite pour écrire quelques lignes, la bruine commence gentiment à faire son retour, le haut des collines est recouvert d'une couche nuageuse, heureusement le chemin reste praticable jusqu'à une montée plus raide près d'une exploitation forestière où les machines ont défoncées le chemin. La boue abondante à cet endroit annihile toute ma bonne volonté, il me faut pousser jusqu’au sommet où les travailleurs hallucinent sur ma face, l’un d’eux en perd son verbe tellement il est chamboulé de voir un cyclo-voyageur surgir soudainement du néant au milieu de la forêt sous la bruine qui s'intensifie. 

Encore quelques kilomètres au travers des collines et je rejoins une route asphaltée pour la fin du parcours jusqu’à Estaleiro. Il est 15h20 je viens de rater le ferry pour 20min, le prochain est à 17h30. Deux heures à tuer, je mange une coxinha devant le quai dans un truckfood puis vais m’installer dans l’unique restaurant ouvert pour y commander une petite réfection et rester au sec en attendant le bateau. J’enfile un maillot de corps à manche longue car mes habits sont humides.

Le bateau arrive, j’y vais, je suis le premier, il est trop tôt mais l’équipage me laisse monter à bord pour que je puisse me mettre à l’abri. J’enfile encore une couche et sors le bonnet avant de réparer une sacoche qui vient de perdre une vis. Durant la traversée je discute avec l’équipage, deux motards de Curitiba et un local. À l’arrivée sur l’île il fait déjà nuit, je pédale vers le centre pour trouver un hôtel que l'on m'a indiqué mais qui s'avère beaucoup trop cher, finalement je reviens sur mes pas et trouve une pausada près de la voie ferrée tenue par un portugais passionné de vélo super sympathique qui finit par me faire la chambre à 50Rs, petit-déjeuner inclus.

Marcia, une des employées avec qui je converse longuement en prenant mon café le matin suivant m'apprend que je suis privilégié car en général le propriétaire ne baisse jamais le prix en dessous de 60. La mère du proprio est une migrante portugaise de 85 ans qui a conservé son accent d'origine, un petit bout de femme encore bien vive et en pleine forme, elle me raconte ses voyages, le temps de la migrations, ses voyages au brésil et ailleurs.

Départ pour explorer le nord de l'île, je m'arrête très vite au musée musée historique situé dans l’ancienne prison de la ville.

On y apprend qu’en 1503, le commandant français Bino Paulmier de Gonneville découvrit São Francisco do Sul sur le navire "l'espoir". Il était parti de Honfleur le 24 juin en direction de l'Orient mais le scorbut et les vent contraire en décidèrent autrement. Je discute une bonne heure au musée avec Inarao et Dartagnan qui me montre le registre des prisonniers datant du 16ème siècle.

J’enchaîne avec la visite du centre historique, l'architecture encore préservée nous fait plonger dans l'époque colonial. 

Je reprends mon pédalage en direction du fort, en chemin je me dis que ce serait bien de trouver une option de déjeuner pas cher. je m’arrête pour un plat du jour dans un petit restaurant où je discute avec les cuisinières et Eneia avec sa petite famille. Lorsque je veux payer le propriétaire me dis que c’est tout bon, qu’ils se sont tous mis d’accord et que je n’ai pas besoin de payer.

Demande et l’univers te fournira !

J’aide le patron à remballer la terrasse, plier et ranger chaises et tables puis j’enchaîne vers le fort.

Les militaires en barrent l’entrée et demande un droit de passage, finalement il se rétractent et me disent que pour moi et mon bike l’entrée est gratuite. 

Demande et l’univers te donnera!

La montée au fort est bien raide, heureusement je suis sans les charges, du coup c’est crème. Dans la montée un groupe d’élèves adolescents avec qui je tape la causette sur les hauteurs pour les motiver et leur ouvrirent l’esprit.

Pilotage dans la descente puis je longe l’océan jusqu’à la plage da Enseada. En chemin je m’arrête pour apprécier la technique des pêcheurs lanceuses de filet qui demande beaucoup d’effort, de patience et de courage. Jusqu’à présent j’en ai vu seulement un réussir une prise de deux beaux poissons, apparement de la Tainha dont c’est la saison. Je m’arrête dans un petit restaurant pour en manger car ce serait impensable de quitter l’île sans en déguster. Mon phare avant n’a pas aimé les vibrations dans la colline du fort et le support a de nouveau lâché, un fil est carrément arraché, une des pattes de fixation a été arraché, il va falloir que je bricole une réparation sous peu, ça devient critique et je n’aime pas jouer avec ma sécurité. 

La nuit commence à poser son drap sombre il est grand temps que je retourne vers la pausada où j’ai décidé de rester une nuit de plus, d’autant que je n’ai pas de lumière. Heureusement l’accotement est assez large, je garde un œil dans le rétroviseur et tourne les jambes au maximum de leur potentiel. En arrivant à la pausada je peux laver le bike, ensuite direction le supermarché pour acheter une bière, des fruits et une colle forte afin de réparer le support de la lampe.

Support collé, il me reste à trouver une solution pour régler les problèmes électriques, trouver des fiches de connexion adéquates, et trouver quelqu’un capable de me faire une soudure à l’étain.

Le lendemain je discute de nouveau avec Marcia qui me donne pleins de bonnes informations pour la suite du voyage le long du littoral. Elle me dit qu’elle oublie tout le temps que je suis étranger et que je lui fais penser à un Caiçara (pêcheur du littoral) lorsque je lui compte que je ne pouvais quitter l’île sans manger de la Tainha.

Tant de bonnes personnes, le bien attire le bien .

C’est l’heure de quitter ce joli monde, j’emprunte la BR280 avec son trafic de camion intense.

Résultat je mets le haut parleur sur le vélo, je monte le son et j’envoie en direction de Barra Velha.