Charmante petite ville de province, Mostardas, est plus qu’agréable, surtout la partie ancienne qui présente une architecture coloniale typique et colorée. Caroline, mon hôte pour les prochains jours est arrivé il y a peu dans la région . Elle me présente son chef, Gustavo, originaire de la cité, il me montre les différents points d’intérêt touristique de la zone via Google Maps et me propose de passer la matinée en compagnie de Caroline pour me rendre compte du mode de vie des gens vivant dans les communautés appelées quilombolas. 

Dans la majorité des états du Brésil les quilombos sont à l’origine des communautés refuge pour les esclaves fugueurs ou considérés comme feignants en tous cas épris de liberté. Les faits sont tout autre dans l’État de Rio Grande do Sul en raison de la platitude du paysage, Les esclaves n’avaient aucun pour se cacher loin des regards blancs oppresseurs et inquisiteurs. 

À la fin du XIXe siècle certains grands propriétaires terriens donnèrent quelques morceaux de terre à leurs esclaves, ces endroits sont devenus les communautés Quilombolas qui, avec le temps, se sont divisés inlassablement entre les familles qui prenaient de l’ampleur.

Leur mode de vie est plutôt précaire  et autosuffisant, ils n’ont pas beaucoup de ressources financières et le gouvernement leur propose de bénéficier par exemple de bourses d’études pour les adolescents en mettant en place un projet de développement agricole de type compostage, jardin provençale, serre de production ou autre.

Les membres de la communauté travaillent souvent en famille et se regroupent pour produire viande,  légumes, fruits, lait, œufs, etc...

Dans l’agriculture comme beaucoup d’autres domaines les vieilles croyances ont la vie dure, il est difficile de faire évoluer les mentalités après des décennies de pratique à tort ou à raison.

En traversant des milliers de kilomètres sur ma bicyclette j’ai le temps d’observer ce qui m’entoure et un constat saute aux yeux, dans notre société la monoculture intensive est légion, tel un dogme qui se serait imposé avec le temps, suivant des modes de pensées obsolètes et erronées héritées des croyances de la révolution industrielle.

De nombreuses études, en France et ailleurs ont désormais démonté cette ineptie, sans parler du fait que la monoculture affecte grandement les écosystèmes et la structure des sols, épuisant certains éléments nutritifs et rendant les plantes d’autant plus vulnérable, pourtant la majorité des agriculteurs s’entêtent dans cette direction.

Heureusement de nombreux projets se mettent en place, même s’ils restent marginaux, par exemple la ferme du bec-Hellouin en Normandie promeut la permaculture et l’écoculture, développant de véritables écosystèmes forêt-jardin qui fonctionne de manière étagée comme une forêt naturelle avec uniquement des végétaux comestibles, techniques que pratiquaient les peuples premiers , indiens d’Amazonie , papous du Vanuatu, aborigènes en Australie.

L’idée est de redevenir des chasseurs-cueilleur-paysans sans labourer le sol, en le travaillant un minimum et en impactant de moins en moins la planète, un système bio-inspiré qui prend la nature pour modèle.

Des études récentes montrent que ces micro-écosystèmes où tout le travail de production se fait à la main ne sont pas moins productif, bien au contraire (Cf. INRA et AgroParisTech)

Au final ce concept de production rejoint la tendance actuelle inspirée par la biologiste Janine Benyus, mère du biomimétisme moderne mais qui  remonte  en fait à Socrate et ses héritiers, la nature est un modèle dont nous devons nous inspirer. Pour terminer cette petite parenthèse je citerais Idriss Aberkane  : « la nature est une bibliothèque lisons la au lieu de la brûler » (dons l’ouvrage libérez votre cerveau !)

À Mostardas j’ai pu également découvrir le sentier de Talha Mar, la plage du phare, le parc nationale da Lagoa do Peixe, un lieu connu pour ses flamands rose que je n’apercevrai que de très loin, mais aussi de nombreuses espèces d’oiseaux, les « autruches » locales gambadant au milieu des buffles, le phare de Mostardas que la Marine me laissera visiter pour monter jusqu’au sommet, la sympathie des pêcheurs du coin qui m’invitent à déguster du poisson frais et des crevettes du jour en compagnie de deux canadiens qui reviennent d’Ushuaia et qui ont parcourus plus de 40000km en voiture dont ils ont enlevé les sièges arrières pour installer leurs couchettes. 

Le retour se fera de nuit et les gardes du parc m’embarqueront avec mon bike dans leur pickup pour les derniers kilomètres. Rapidement arrive le jour de partir, je remercie Caroline pour son hospitalité et sa gentillesse et reprends ma route en direction du sud avec bien évidemment le vent de face, le ciel se couvre, il est temps de faire un détour par Tavares pour me protéger des premières gouttes de pluie de la journée.

Les jeunes du village, intrigués, viennent taper la causette et me propose de rester à l’abri sous le couvert de la place principale pour y installer ma tente. J’ai les jambes qui me démangent alors je recommence à tourner mes pédales en direction de Bojuru où Luiz m’attend via Warmshower .

Il me reste plus de 50 km, la journée sera longue et je risque de prendre une bonne saucée avant d’arriver à bon port.

toujours un paysage plat, de grand pâturages ou de grandes forêts de pins, des chevaux et des vaches qui barbotent dans les marres et les différents point d’eau, zones inondables en grande quantité, le long de la route et puis finalement la pluie fait son apparition.

je continue à pédaler dans l’espoir que ce ne soit qu’une averse mais c’est tout le contraire, il me faut m’abriter car la pluie redouble d’intensité.

Finalement une scierie, je suis déjà bien mouillé et j’accoste le vélo à côté des bureaux où une dame apparaît au bout de quelques minutes, un regard inquiet, elle ferme sa porte à double tour. Culture de la peur, les médias font bien leur travail de lavage cérébral. 

Les habits de pluie et c’est reparti, il me reste une bonne heure de route, la luminosité est faible à cause de la pluie mais je devrais arriver avant la nuit. 

En me renseignant auprès de plusieurs personnes à Bojuru, je finis par trouver la maison de Luiz, il était temps la pluie redouble d’intensité, accompagnée d’un violent orage.

La famille me reçoit merveilleusement bien et me fait me sentir comme à la maison, dîner copieux et conversation avant d’aller me reposer sur la table de billard qui me servira de lit ce soir. Le lendemain le temps s’ouvre en début d’après-midi et je décide de profiter de la fenêtre météo pour mettre les voiles, Luiz a l’air déçu que je parte si vite, c’est toujours délicat dans cette situation, je prends une photo de la petite famille, les remercie et reprends mon chemin, évidemment avec le vent de face jusqu’à Estreito où je me pose pour la nuit dans un petit chalet. Le lendemain après une matinée avec mon hôte je reprends la route en direction de São José do Norte avec encore une fois le vent de face mais cette fois plus violent, malgré le soleil l’avancée est difficile, je manque d’énergie, quelques héron le long de la route qui prennent la poudre d’escampette sur mon passage.

Le vent a eu raison de ma motivation et je décide de prendre le ferry et de traverser directement vers Rio Grande où je passe la nuit dans l’hôtel le plus miteux de cette année de voyage.