La nuit à Maquiné a une saveur particulière, au près de la rivières mes compagnons de chambrée sont deux quadrupèdes de la famille des solipèdes, leurs fers cliquettent dans la nuit, ils traversent la zone asphaltée où la tente est installée. S’ils broutent dans les environs c’est que tout va bien, je retourne vers Morphée malgré le vent glaciale qui s’engouffre sous les toiles.

Au petit matin la jument et son poulain sont les deux premiers êtres vivant que j’aperçois en sortant de la tente, ils passent devant moi totalement relâchés comme si la nuit nous avez rapproché.

Le bruissement de la rivière et son environnement féerique me magnétisent pour un café au bord de l’eau, en arrière plans les montagnes érodées où mes roues ont marqué la terre hier.

Les réserves épuisées, la faim n’est toujours pas rassasiée, je m’arrête à l’épicerie du coin pour y manger un morceau et discuter avec la famille, avant de reprendre la route en direction de Osório. 

Les chemins poussiéreux se transforment en routes asphaltées plus fréquentées puis en autoroutes, les reliefs s’aplanissent au fil du jour, sans le savoir Osório m’offre un dernier aperçu sur les collines verdoyantes pour un moment. Une épicerie coloniale au bord de la route, c’est le moment de se désaltérer avec un jus, sucre de cannes et ananas. Beaucoup de gens aux yeux bleus dans les environs, sans doute encore un héritage de la descendance européenne. 

En route pour Porto Alegre, je m’arrête finalement à Osório pour la réparation finale de mon téléphone, du coup changement de plan, demain il sera temps de retoucher le littoral et son atmosphère saline, direction Tramandaí.

J’y rencontre Volmir qui a tout largué pour être libre et bénéficier du luxe de notre époque, le temps,  puis Raquel une sympathique coureuse de fond passionnée qui sourit à la vie en usant ses baskets dans les courses des environs. Nous partagerons le dîner et de délicieux moments durant les deux soirées suivantes.

Tramandaí est un lieu fantastique pour observer les dauphins botos et la pêche coopérative, nombreux sont les gens postées au bord du canal, les dauphins sont là, à quelques mètres de distance nageant dans le courant, faisant des signes de tête aux pêcheurs lorsque les bancs de poissons sont à portés de leurs filets circulaires artisanaux.

Après deux jours adieu Tramandaí, en fait depuis Osório bienvenue sur les terres du vent, plates, exposées à la moindre brise , sablonneuses mais aussi agricoles avec surtout des plantation d’oignons, de rizières, de pins et d’eucalyptus. 

Entre les plantations des pâturages, bovins, équidés et ovins se taillent la part du gâteau, toujours accompagnés d’une grande variété d’espèces de volatiles en tout genre, la cohabitation se déroule sans accroc et sous les bourrasques.

Le vent complique la progression et le platitude du paysages, comme dans tous les domaines, rend cette avancée bien plus monotone qu’à l’accoutumée. Les longues lignes droites sans fins apparentes traversent les forêts de pins, les bosquets, tunnels d’arbres ou les pâturages et lorsque le souffle divin, orienté sud, se transforme en hurlement frénétique, elles paraissent interminable.

Le long des eucalyptus, le vent impétueux tourmentent la cime des arbres dont la ramure gronde furieusement tel un torrent fougueux s’enfonçant dans le gouffre des cataractes. 

Il faut lutter pour avancer, c’est épuisant physiquement et mentalement, évidemment dans ces cas là apparaît toujours une difficulté supplémentaire, le terrain devient houleux et sablonneux et me donne l’impression de rouler sur de la tôle ondulée. Ça tape dans les poignées, il faut s’en contenter, sous peine de s’enfoncer dans du sable trop mou pour fournir une quelconque adhérence aux pneus de mon vélo surchargé. Être à l’affût de la moindre portion de sable dure et rester concentré pour ne pas mordre la poussière, alterner entre le pédalage et la poussée de la monture, garder ses lunettes de soleil pour se protéger de la poussière qui tournoie sous le vent.

En fin de journée ça devient difficile mais on se raccroche toujours à la beauté et l’émerveillement que la nature nous offre soudainement au bord du chemin pour se revigorer et continuer à avancer. Palmares do Sul et lagon de Bacupari, où j’ai laissé le vent se calmer pendant deux jours, sont derrière moi, direction Mostardas pour une étape de plus de 80km où les premières heures sont difficiles après une chute dès le premier kilomètre. 

Malgré la baisse d’intensité le vent est toujours de face, je guette la moindre courbe, la moindre végétation qui seraient susceptibles de diminuer l’influence des bourrasques. 

Énormément de charognes écrasées et nauséabondes sur la route dans cette première partie de journée, Mon flux énergétique n’est pas au mieux mais je me force à garder des pensées positives pour que l’univers puisse me surprendre. Chose faite lorsque je décide de m’arrêter pour manger un morceau, le staff du restaurant m’invite à recharger mes batteries physiologiques de bonne grâce. Encore une quarantaine de kilomètres avant d’arriver, la deuxième partie de journée est beaucoup plus facile, J’observe pour la première fois une Ema à une dizaine de mètre, une sorte d’autruche qui se différencie par le nombre de ces doigts, trois pour une Ema et seulement deux pour les autruche. De plus l’autruche et bien plus grande 2,50m alors qu’une ema mesure seulement 1,50 m. Évidemment d’autres espèces jonchent le parcours, toujours des hérons de toutes sortes, des ibis, canards, cormorans, des cardeal avec leur petite crête de punk rouge vive, les longs sur pattes João-grande et leurs airs de cigognes , des sabias et j’en passe, tous plus ou moins farouches virevoltent au vent et parfois s’envole en tournoyant pour évaluer si la monture et moi sommes des menaces potentielles. 

En fin d’après midi j’arrive à Mostardas où Caroline va me recevoir via couchsurfing, j’attends Naura sa voisine afin de récupérer les clés pour pouvoir m’installer avant que Caroline ne revienne de Porto Alegre.