Mônica est parti, l’émotion nous a remué les sens mais nos larmes démontrent une chose essentielle: nous sommes vivants. 

Je reste à Gramado pour visiter les parcs aux alentours, profiter de la petite cabane et des infrastructures du camping en prévision des températures fraîches prévues pour les prochains jours.

Dès le lendemain matin le givre fait son apparition, ma petite cabane me protège du vent et c’est tout, heureusement mon sac de couchage douillet est agréablement chaud. Pas motivé pour les cascades des parcs, il fait trop froid et trop humide, j’en profite pour écrire et faire connaissance avec l’équipe du camping.

Finalement le temps s’améliore, direction le parc de la bergamote, puis celui de la « ferradura »(fer à cheval) qui porte ce nom en raison de la forme de la rivière au fond du canyon où se déverse une belle cascade puissante. 

Deux belles promenades bucoliques pour enchaîner les cascades et les sentiers escarpés et qui me permettent de tourner les jambes à nouveau sans les charges avant la reprise du voyage à vélo après deux semaines de luxe motorisé . Junior le propriétaire du camping m’a convaincu de la route à suivre pour retourner vers le littoral, direction le nord et São Francisco de Paula où une voyageuse super sympathique et expérimentée va me recevoir via couchsurfing.

 La végétation est sèche, au loin des forêts d’araucárias, les pins du Paraná qu’on trouve visiblement en plus grand nombre dans cet état, les montées s’enchaînent et mon vélo pèse son poids en ce jour de reprise.

São Chico de Paula est une petite ville charmante avec un lac est une avenue principale où se concentre tous les commerces.

Aline, décontractée, intéressante, connaît sa région et a le don de joindre les énergies et les gens. 

Elle me recommande de faire le sentier de la cascade « gemeas gigantes », les jumelles géantes, la randonnée la plus belle et la plus technique du parc des 8 cascades.

Pour m’y rendre je pédale sur un chemin pavé à l’ancienne en descente, ça tape sévère dans les poignets mais au bout de quelques kilomètres j’arrive à l’entrée du parc où il n’y apparemment pas âme qui vive.

Qu’à cela ne tienne, j’entre ni vu ni connu, cadenasse le vélo à un arbre, le sentier s’offre à moi et mes envies d’exploration.

Un chemin dans une forêt de pins descend dans une vallée vers la rivière dont le chant se fait de plus en plus imposant, l’humidité s’accroît. 

Au fond il faut suivre le lit de la rivière en remontant son courant. Le sentier est superbe, les lichens et mousses envahissent toutes les plantes et tronc au bord de l’eau. Une bifurcation, différents sentiers possibles, je choisi le plus long, il faut passer une colline pour retrouver la rivière de l’autre côté. Une plaque signale que les sentiers sont interdit en cas de mauvais temps, celui-ci propose 22 franchissements de rivière. 

Plus je remonte le cours d’eau plus les franchissements deviennent difficile, il faut sauter d’une pierre à l’autre pour ne pas se mouiller les pieds, les points d’appuis sont de plus en plus glissant, parfois un fil de fer pour s’aider, le sentier est extrêmement bien signalé.

À la première petite cascade sur le côté je m’arrête pour une photo, le trépied bascule et l’iPhone plonge... il fonctionne encore mais je préfère l’éteindre. Premiers secours, bouche à bouche pour en extirper l’eau le plus possible et le maintenir en vie puis je reprends mon avancée.

Plus j’avance et plus l’humidité est grande.

Les deux derniers kilomètres sont les plus difficiles mais aussi les plus impressionnants. Entrée dans une gorge le vert du lichen est désormais partout, sur toutes les plantes mais aussi les roches, tout en est recouvert, seules quelques parois verticales où dégoulinent de l’eau ne sont pas envahis. Le sol est très glissant, les racines, les pierres et les troncs aussi, il faut vraiment prêter attention où on met les pieds.

 

La gorge se resserre, l’erreur est interdite par ici sous peine de gros problèmes. 

Dans le lit de la rivière il n’est pas rare d’utiliser trois ou quatre points d’appuis pour passer d’un tronc à une pierre ou inversement et ne pas finir le bec dans l’eau.

A l’arrivée la cascade est haute est imposante mais c’est bien le sentier qui aura été le plus impressionnant dans ces deux heures de marche. 

Je relance le téléphone pour faire quelques photos souvenirs embuées puis je décide de rebrousser chemin, la rivière m’invite à repasser dans son lit pour quelques frissons de plaisir .


En passant je surprends un groupe d’oiseaux inconnues mélange de poule et de canard, il prennent la fuite, lançant dans leur vol un pipipipi en staccato dans la division temporelle forestière. 

le soleil est plus haut il perce la cime des arbres et illumine le fond de la gorge, durant le trajet de retour j’en profite pour m’arrêter sous ses doux rayons et y exposer le téléphone dans l’espoir que la condensation apparue à l’intérieur commence à se dissiper.

Visiblement ça à l’air de marcher et pendant ce temps j’en profiter pour me relaxer, prendre le temps d’écouter la forêt.

Sa polyphonie bucolique est une véritable symphonie, polyrythmie cadencée par le son des oiseaux, des insectes et de l’eau, à gauche le son sourd d’une chute d’eau dans le rôle des tambours, devant le cliquetis de l’eau qui s’écoule et à droite le bruissement de l’eau sur les cailloux . Aux milieux quelques insectes et le gazouillis des oiseaux accordées sur leur propre fréquence en accord avec leurs congénères.

Du grand art, on devrait prendre le temps de s’arrêter beaucoup plus souvent pour sentir les choses et ne pas se laisser emporter par le rythme effréné de notre société.

Deux heures de marche et une autre cascade et me revoici à l’entrée du parc où je tape la causette avec un guide, finalement cette visite aura bien été gratuite.

Les soirées avec Aline et ses amis sont diverses et bonne enfant, musique, jeux de sociétés, chimarrão au bord du lac, nourriture, vin et bonne humeur pour se protéger du froid ambiant.

Mon téléphone a été réparé, demain c’est déjà l’heure de partir. 

Départ de Sao Chico, au bord de la route des araucárias, des forêts de pins et des pâturages où les troupeaux de vaches me regardent passer d’un air curieux, c’est peut-être dû à mon vélo taureau. J’avale les vingt premiers kilomètre en une petite heure pour quitter la route asphaltée et m’engager sur le chemin de terre qui mène à la serra do Umbu, de suite on se sent mieux, loin du trafic routier, le sifflement du vent dans les branches reprend ses droits, le gazouillis des oiseaux sur les clôtures où dans les branchages, sabiá, curriqueiro et quero-quero entrent dans la danse, des cormorans et des ibis passent au dessus, des urubus dans un près et je retrouve même les farouches Caracarás.

Des murs en pierres sèches séparent les pâturages, la végétation est assez sèche et quelques zones sont brûlées ou en feu, on se croirait dans le sud de l’Europe. 

Cette route est l’ancienne route vers littoral qui a été remplacé par la route du soleil asphaltée bien évidement et bien plus fréquentée de nos jours.

De temps en temps un véhicule motorisé passe, levant des nuages de poussière avec lui surtout lorsque c’est un camion. 

Au bout de quelques kilomètres une cascade puis une forêt d’araucárias où il y a encore plus d’oiseaux, les jaunes tricolino avec leur petite crête et les pia-cobra avec leur masque de zorro tout de noir vêtu.

La descente de la sierra sur le chemin caillouteux et poussiéreux m’emmène jusqu’a Maquiné où j’installe ma tente pour la nuit proche de la rivière sous un préau. Le lieu sert de camping durant la belle saison, il y a des toilettes et des lavabos où j’y fait ma toilette à l’ancienne.

Ce soir au diner c’est guacamole avec quelques tranches de mozzarella, assis sur une estrade, à la lueur du feu camp.

Le vent est glacé, mon encas terminé, je m’enfouis dans mon sac de couchage sus les toiles de tente.