Cette nuit, pour la première fois depuis que je suis parti, j'ai eu froid, notamment au niveau des lombaires, j'y ai remédié en glissant. La doudoune dans le sac. À juste titre, puisqu'en sortant de mon abris tout est gelé y compris la toile de tente. En attendant le soleil je repars pour un petit somme.

La première chose du jour c'est l'entretien de la monture, chaîne, puis changer une gaine du câble de vitesse, celle ayant craquée au niveau du passe gaine du cadre, monter les vitesses est très raides.

Pendant que je bricole le bike , la gendarmerie débarque avec un oeil suspect, en fait ils cherchent une grille pour faire un bbq et quand j'entends glousser dans le véhicule j'ai tout compris. C'est beau d'être fonctionnaire sur une route fermée à la circulation. Ils me confirment l'accès au sentier qui se trouve dans la zone franche entre les deux postes de contrôle douanier.

Peu après midi j'attaque. En passant devant le poste je retrouve les gendarmes à papoter devant le feu, lorsque l'un d'eux m'indique le chemin je leur envoie un "gracias, que disfruten!". Une montée abrupte dans la forêt m'attend, le sol est tapis de feuilles, point de passage depuis un moment, c'est hardcore, je dois pousser plusieurs fois et j'en chie. Pause déjeuner histoire de gagner du poids et de souffler à l'ombre des Coihues.

Au sommet, une petite arche signale le sentier qui descend brutalement dans la forêt, c'est un sentier de trekking, pas du tout prévu pour le bike, encore moins chargé comme un mulet. J'hésite fortement, si je m'engage là dedans c'est un point de non retour. Et puis merde, j'ai de la bouffe, de quoi tenir plusieurs jours, pas envie de reprendre le même chemin en sens inverse, le goût de l'aventure me tend les bras ... c'est parti, je me lance!

Une première, un trekking avec un bike de plus de 50kg en lieu et place du sac à dos. En fait si il y a un sac à dos, il est sur le porte bagage arrière avec mes affaires de camping.

Très vite au fond de la première descente tout se complique, chemin escarpé, rivière, marre de boue, troncs couchés, marécage, il faut à chaque fois démonter, décharger, passer les sacoches avant puis les sacoches arrières et enfin le bike, un véritable parcours du combattant. Sur certains tronçons il faut arpenter cinq fois le sentier en aller retour, quand le bike est chargé , les sacoches se prennent dans les talus, les racines. Heureusement je ne suis pas pressé, je m'entraîne à reconnaître les différents types d'arbres en fonction de leurs troncs et de leurs feuilles, je tombe également sur quelques perles en chemin, des araucarias recouverts de barbe de d'indien de toute beauté, un coupe de piverts qui se font la cours et m'offrent un récital de chant classique. Au final il me faut 5 heures pour parcourir les 3 km qui me séparent du premier grand cours d'eau, parcourant plus de 10km en raison des aller retours avec les charges.

Je traverse la rivière, les pieds dans l'eau froide, trois aller retours, de l'autre côté une zone dégagée, jonchée de bouses de vaches, mais la nuit arrivant je m'en contenterai. La zone la moins inclinée et la moins minée reçoit ma tente pour cette nuit, je suis vidé. Grignotage sur le pouce avec des aubergines marinées et les dernières galettes en observant au loin, au travers des arbres, le cône rosé du volcan Lanin. La nuit arrive ainsi qu'un repos bien mérité.