Le trekking "los dientes de Navarino" est une expérience inoubliable du bout du monde, une course pédestre de 3 à 5 jours selon l'expérience et le niveau physique des participants. Un goût unique d'aventure, de difficulté moyenne à difficile, dans une ambiance sauvage en pleine nature australe, autour des fameuses dents de Navarino dans une végétation unique et préservée de Terre de feu, le tout sans aucune infrastructure de soutien. J'ai eu la chance de faire ce trekking fin janvier 2020.

L'île de Navarino ou Navarin, est située à l'extrême sud du Chili, dans la région de Magallanes et de l’Antarctique chilien, au sud de la grande île de Terre de Feu, dont elle est séparée par le canal de Beagle. Cette île était appelée Uceniaka par les peuples natifs Yamanas, elle fait parti de la commune de Cabo de Hornos considérée comme la zone la plus australe de l'Amérique du Sud.

Elle abrite la ville la plus méridionale du monde Puerto Williams ainsi que le village le plus australe, Puerto Toro où le ferry se rend un dimanche par mois.

Après la visite de ce petit hameau, viennent les derniers préparatifs (informations, cartes, nourritures), avant d'entamer les premiers kilomètres en compagnie de deux acolytes brésiliens rencontrés lors de la navigation des fjords chilien jusqu'à Puerto Williams. Nous marchons quelques kilomètres jusqu'au point de départ du trekking, où nous installons nos tentes au bord de la rivière sur les hauteurs d'un escarpement rocheux. En contrebas une cascade, seule, répète son fracas sur le même ton, de la même voix, sa complainte berce notre nuit.

La première journée de marche commence par la montée jusqu'au Cerro Bandera, à la sortie du bosquet commence l'exposition aux vents puissants de la région du cap Horn. Tout en bas, derrière nous, Puerto Williams et le canal de Beagle.


Il faudra encore quelques heures de marche dans le vent, à suivre le sentier, affronter les bourrasques, escalader quelques zones escarpés, puis descendre un pierrier engagé avant de rejoindre la Laguna del Salto pour y passer la nuit.

Rosangela et Edson me rejoignent ensuite et nous installons nos tentes.

À la nuit tombée, tempête et pluie violente secouent nos tentes jusqu'au milieu de la nuit, une tranchée creusée à la hâte sous la pluie ne suffira pas à éviter l'inondation. Le froid et l'humidité me réveillent au milieu de la nuit, il faut sécher en urgence la pellicule d'eau qui s'est installé entre les deux tapis de sol. Sortie cul nu dans la froideur avec un linge pour y remédier, la deuxième partie de la nuit est plus tranquille, la matinée également, me permettant de quasiment sécher mes affaires avant de recommencer à marcher.


Après la première montée, la haute montagne commence avec quelques restes de neiges sur le chemin. Les brésiliens n'ayant pas trop le même rythme, surtout dans les pierriers, nous nous séparons

Il faut monter encore, enchainer les cols minérales, les pierriers parfois enneigés, les dévers, lacs et lagons pour continuer la progression autour des dents qui se dressent majestueusement au milieu du circuit. Finalement j'arrive au point de bivouac avant 13h et décide de continuer pour enchainer deux étapes dans la même journée, affrontant le climat changeant des 4 saisons.


Soleil, pluie, neige, brouillard, vent violent, boue, les dernières heures sous une pluie battante et comme toujours les derniers kilomètres sont les plus durs, j'arrive trempé, secoué par le vent et fini par trouver un endroit protéger des bourrasques pour planter la tente non loin de laguna Martillo.

Malgré la sensation de froid et d'humidité, je prépare un repas chaud avant de m'engouffrer sous la toile de tente, de passer des habits secs, m'enfiler dans le sac de couchage et de dévorer le contenu intégrale de ma popote. Le temps change à nouveau, le soleil pointe le bout de son nez pendant quelques minutes, le temps d'illuminer le sommet en face de moi qui baignait dans les nuages il y a peu, il disparait à nouveau lorsque la neige fait son apparition. Après plus de 8 heures de marche il est temps de prendre un peu de repos.

La troisième journée est encore plus difficile que la précédente. Départ tôt le long des lacs, la végétation est sauvage, de temps en temps des barrages construits par les castors qui ont colonisé la région faute de prédateurs. 

À nouveau 4 saisons dans la même journée, après quelques heures de marche, le soleil, c'est le moment de faire une pause et sécher les affaires dans le vent, accrochées aux branches des arbres. Reprise de la marche, il ne faut pas hésiter à se mouiller les pieds.

Passages humides, végétation verdoyante puis minérale, col, traversée de nombreux pierriers, neige, vent, boue jusqu’au genoux, le sentier est bien marqué jusqu'au laguna de los Guanacos. Il reste en théorie environ 5 kilomètres. La dernière partie mémorable, sauvage et aventureuse dans la forêt en compagnie de Eva et Fernanda, rencontrées au milieu de la journée. le terrain est glissant humide, des arbres couchés au milieu du chemin, des glissement de terrain et puis plus aucune indication visible il est difficile de pas se perdre. Il pleut à torrent, vu les conditions il nous faudra 4 heures de plus pour la dernière descente. Arrivée à la nuit juste avant 22h après plus de 12 heures de marche. quelle aventure!