Derniers mâtés avec Paula et Ramón qui me laissent sur le marché pied du train après les dernières photos souvenirs. Le wagon économique paraît sortir d’un autre temps, finitions en bois contreplaqué marron, sièges en Sky marron, ventilateur au plafond et chaleur étouffante. La cloche sur le quai retentit, ça sent le départ, quelques instants plus tard la sirène du train, il se met en marche... c’est parti  pour traverser la province du Rio Negro d’est en ouest. Pour l’instant le paysage est totalement plat, l’horizon dégagé avec fine pellicule de nuages au loin, quelques carcasses de voitures, des moutons, un drapeau argentin qui bat au vent, les blés sauvages dorés par le soleil et les buissons qui ondulent et s’agitent dans l’haleine fraîche de la Patagonie. Pas de  double vitrage ou de climatisation, de fines particules de terre s’engouffrent sous les fenêtres du train me baignant dans une nuée de poussière quasi permanente, rien de bien grave, à vélo j’ai l’habitude d’affronter des conditions bien plus exposées. 

Au bout d’un moment on se fait chier, la monotonie du tchou-tchou, petit tour du propriétaire, séance photo dans les hublots suivi d’un accès à la salle des machines où la porte latérale est grande ouverte permettant de contempler le soleil couchant sur la pampa. 

Le peu de sommeil de la veille commence a pesé, au bout de quatre heures, arrivée à San Antonio Oeste et changement d’ambiance, tout à coup le wagon est bondé de familles, de petits jeunes, et d’une classe de pré-aolescents en voyage scolaire, le calme s’est évanoui, le roulement incessant sur les rails se mélange désormais au brouhaha de la multitude. 

23h, la nuit sera longue. 

Dans le wagon « old school », rajouté au train en raison de la forte demande, une rangée de sièges pour deux et une pour trois personnes, aucun ajustement, c’est raide au possible, l’inconfort est total. Un peu de musique dans les oreilles, un peu de lecture puis la tête commence à balancer à droite, à gauche, j’essaie de dormir tant bien que mal.

4h30 arrêt à la station de  Los Menucos, le vent est glacé, mais que ça fait du bien de se dégourdir les jambes.

Le train repart, les premiers reliefs, les premières collines apparaissent, encore sombre, très vite l’aube naissante leur donne des tons plus orangés.

la végétation des plateaux est toujours rase, le ciel rougit puis les nuages virent à l’oranger sur le bleu du ciel de plus en plus clair. 

6h le soleil monte doucement dans l’horizon et  illumine désormais les reliefs, en quelques minutes il passe au travers des persiennes du wagon et donne vie à tout le paysage. Au loin une plaine blanchie par le sel, l’heure d’or met maintenant en valeur toute l’étendue du vaste paysage en faisant ressortir un maximum les reliefs et les contrastes.

Le wagon reprend vie doucement et sort de sa torpeur avec les traditionnels mâtés. 

Arrêt à un petit village, un peu plus d’arbres aux alentours bringuebalant dans le vent s’illumine à leur tours sous les rayons solaires.

Mon voisin de banquette m’offre un mâté et une bonne conversation, les tons de la végétation sont passés par le pastel puis au vert.

Nous gagnons en altitude et les plateaux de la steppe sont de plus en plus imposants, depuis peu le siège est pour moi seul alors j’en profite pour refaire un petit somme. Au réveil le train s’arrête à Clémente Onelli offrants une courte minute pour se dégourdir les jambes et respirer un air frais en profitant du paysage. 

La sirène du train retentit, il se remet en mouvement doucement puis plus rapidement. Encore quelques heures...

Les plateaux se transforment doucement en collines et vallonnement, les reliefs sont de plus en plus ondulatoires et rocailleux , le train s’enfile dés lors dans une petite vallée bordée de bourrelets composés de prairies et de rocailles. Les montagnes ne sont plus très loin, la vallée où se situe la voie ferroviaire s’élargie par moment mais le caractère ondoyant  du tableau naturel est maintenant une constante.

Encore un arrêt, cette fois au petit pueblo de  Comallo, à chaque fois une sortie à l’air frais pour se dégourdir les jambes et avoir une vision plus ample de ce qui nous entoure .

La progression continue au travers de la steppe de Patagonie, elle se divise en pâtures de plusieurs hectares avec des moutons et des agneaux et de temps en temps une barrière qui marque la division, puis parfois des espaces plus vert avec des monticules rocheux surgissant de nul part.

De plus en plus de tétons rocheux , par la fenêtre un groupe de condors volent au vent en tournant la tête j’aperçois les premières neiges éternel, les gens commencent à s’agglutiner aux fenêtres, les montagnes sont maintenant  à portées d’un tir de canon, le train passe une petite gorge avec des eaux cristallines près de Dina Huapi où je dois revenir en pédalant pour rencontrer Monica qui arrivera en avion depuis le Brésil.

Arrivée à la gare, il faut sortir le vélo du wagon de marchandises, que de poussières, il me reste 14km avant de pouvoir reposer mon corps endoloris par l’inconfort.

Au final une belle expérience même si j’ai toujours l’impression de manquer quelque chose lorsque je ne le fait pas avec mon vélo qui m’offre une liberté inégalable par rapport à un transport motorisé