Tiré du sommeil par le claquement des sabots sur la terre mélangé à une chacarera, musique typique de folklore du nord de l'Argentine que crache la radio d'un des cavaliers, cette journée commence comme dans un rêve. Le soleil n'est pas encore levé, seul un trait orange sur l'horizon est perceptible au travers du soupirail d'aération de la tente. Ni une, ni deux, extraction de la tente, j'enfile mes fringues humides, armé de mon appareil photo. La mer du nuage recouvre la vallée, le soleil s'apprête à sortir le bout de ses rayons. Séance photo en cour, prière de ne pas déranger.

Soudain une bande de chiens apparait, aboyant, accompagnés d'autres claquements de sabots. Comme dans une rêve, trois gauchos vêtus de ponchos passent en trottant, comme s'ils flottaient avec leurs montures au dessus de la mer de nuages. Ils commentent nos navettes à pédales ainsi que notre avancée sur le sentier, il n'est pas fréquent de voir des cyclistes traversés ces montagnes avec des vélos chargés. Malgré ce passage furtif, je reste focus sur la mise au point de mon objectif, tournant autour de la tente et des vélos pour trouver les meilleurs angles de vue.

Les rayons de l'astre solaire apparaissent enfin, vient l'heure dorée pour shooter encore d'autres clichés. Silvina fait encore la marmotte, blottie, au chaud dans son sac de couchage, le début de nuit a été humide, ensuite le vent a, peu à peu, séché les toiles de tente. Surprise, en enroulant la toile de tente supérieur, une onde de chaleur dorée pénètre sous la moustiquaire, le soleil lévite au dessus des nuages aux tons ambrés commençant son ascension quotidienne. Réveil en douceur pour la demoiselle et lieu on ne peut plus idéal pour le petit-déjeuner.

On pourrait rester ainsi pendant des heures, alors il est déjà plus de 11 heures lorsque nous attaquons la journée. Aujourd'hui dès l'entame, la prairie laisse place au bosquet Soto néanmoins la rocaille entrave toujours le sentier, empêchant de bien pedaler. En passant le premier bosquet nous terminons la phase d'ascension, en descente il devrait être plus facile de poser nos culs sur la selle. Vite dit, le sillon creusé est profond mais pas très large, souvent les pédales touchent, c'est pentu donc il faut également faire gaffe à ne pas toucher les arbustes ou le versant en amont afin d'éviter un rebond te projetant en vrille dans la pente.

Bref, une belle partie de pilotage se présente devant nous, parfois par sécurité il est préférable de pousser, enfin retenir le vélo dans la pente ou le hisser au-dessus des rochers. Quand vient un petit bout de prairie, c'est ça de gagner sans effort. 

Nous suivons les traces des équidés, passant à côté des vestiges archéologiques de civilisations précolombiennes, profitant des différents points panoramiques qui nous rapproche sans cesse de la forêt plus humide. La descente n'est pas plus facile, pas beaucoup d'endroits permettent de pédaler et plusieurs chutes calment nos ardeurs, surtout Silvina qui a les sacoches arrières qui touchent en amont. les freins chauffent au rouge et nos poignets endoloris nous obligent à faire des arrêts fréquents. La brume quotidienne commence a envahir la zone en milieu d'après midi, encore un effort et nous arriverons à Anfama. En bas, on commence à apercevoir les maisons et un groupe de cavaliers gauchos a qui s'est arrêté pour faire le plein de "cervezas". Même programme, à l'arrivée à la rivière, j'achète une bouteille de mousse à une mamie du coin qui a hébergé la veille les marcheurs rencontrés à l'ancienne école de la Cienaga. Elle ne dispose plus de marchandise, nous invite à planter la tente dans son jardin mais nous recommande de traverser la rivières et pédaler encore 3km jusqu'à l'école multi nivaux du village où nous pourrons être hébergé au sec. Arrivée peu avant la nuit à l'école, Emilio le sous directeur en charge,nous reçoit la main sur le coeur et nous ouvre la porte de l'établissement qui reçoit 58 élèves des montagnes alentours de tous niveaux. Un internat est disponible pour ceux qui ont a parcourir les distances les plus longues. C'est aussi un havre de paix, un lieu préserver où ces enfant peuvent disposer de leur enfance en toute quiétude sans être employés aux dures tâches de la vie de campagne dans ces montagnes, où ils reçoivent affection et attention.

Emilio, vice directeur, sculpteur et artiste à ses heures perdues, Diego prof de tourisme, Juan, prof de langue, mathématiques et social, Maira prof au jardin, Ariel prof de math et la "vieja", la cuisinière, partagent avec nous des moments authentiques et inoubliables. Conversations, rires, préparations pour les cours, souper pour les enfants puis celui des adultes, animent la veillée de cette belle soirée. En bonus une bonne douche chaude et un lit pour la nuit. Point de téléphone portable, la soirée se déroule comme à l'ancienne, discussions humours et activités sociales sont au programme. Ricardo, un jeune collégiens qui récitent des vers sur la musique, souhaite apprendre l'instrument, je me fais un plaisir de lui montrer quelques accords typiques de quelques morceaux de musique de folklore local. Impressionnant à quelle vitesse la gamine assimile et met en pratique, tout aussi impressionnant le dévouement de ces professeurs qui s'occupent de cette jeunesse par pure et noble vocation, loin de la triste réalité urbaine. Une vraie leçon de vie!

Allez, il est déjà minuit, c'est l'heure d'aller se coucher, la journée commencera tôt demain dès 7h pour ceux qui prépareront le petit déjeuner des enfants.