Le vent est tombée durant la nuit, encore un réveil au petit matin, on attend avec impatience que les rayons de l'astre solaire réchauffent notre entité physique et spirituelle.

Peu à peu les ombres de la nuit se réduisent comme peau de chagrin, le soleil irradie sur le sommet de "los Aparejos", descend progressivement jusqu'à refuge, lunettes de soleil obligatoires.

Petit déjeuner classique, thé préparé la veille et gardé au chaud dans un thermos, accompagné d'avoine hydraté pendant la nuit, chia, raisins secs, fruits frais , cannelle, coco râpée, le plein d'énergie pour envoyer du lourd. Nous remontons les charges sur les bikes et c'est parti, chemin extrêmement sablonneux , sous-gonflage des roues plus que recommandé sous peine de s'embourber. L'étape du jour sera assez courte puisqu'il faut arriver au refuge n°2 à 29km de distance vers midi. Un tour opérateur doit amener deux sacs de nourriture avec l'équivalent de 10 jours de provisions. On pourrait se poser la question du pourquoi partir si tôt pour une si petite distance. Et bien la réponse est toute simple, en haute altitude dans cette région le plus souvent il n'y a pas de vent en matinée, mais à mesure que la journée avance, les rafales apparaissent, s'intensifient avec les heures qui passent, dès le début d'aprem ça secoue, alors mieux vaut avancer tôt afin de ne pas fournir le double ou le triple d'efforts pour parcourir la même distance. Ça commence en descente, petit détour par la laguna de los Aparejos, pas un bruit, pas âme qui vive, le calme , une sensation de paix, la nature sauvage et nous.

Des centaines de flamands roses sur les eaux tranquilles du lac s'éloignent à mesure que nous nous approchons de la berge.

Nous la suivons jusqu'à revenir sur la route sablonneuse où l'ascension pour le prochain col commence tout comme le bal des camions des entreprises minières. Les pickup qui accompagnent les convois exceptionnels nous avisent de l'arrivée de ces mastodontes et nous demandent si tout va bien. Peu de vélo dans la zone, ça interpelle et stimule la solidarité. Ça monte jusqu'à 4603m, à partir de 4400 il commence à y avoir des portions de paysages lunaires, des bancs de flammes de neiges, colonnes, congrégation de gel en forme de dague de couleur blanche où se trouvaient un glacier ou une accumulation de neige.

Ici on nomme ces zones des "penitentes" car leur forme fait penser à des moines imitant la tenue vestimentaire traditionnelle des Nazaréens lors des célébrations de la Semaine Sainte, en Espagne.

Ce costume religieux typique d'Espagne et de certains pays d'Amérique latine comprend une longue cape et une capuche conique, symbole de pénitence et de péché hérité du temps de l'inquisition.

Les pénitents sont capables de résister intacts à l'un des climats les plus hostiles du monde, ornant de leur beauté le paysage montagneux des hauteurs. Cependant, ils apportent également des difficultés importantes au moment de circuler dans ces zones.

L'un des rares endroits au monde qui réunissent les conditions optimales pour la génération de pénitents est la zone andine du Chili et de l'Argentine. Dans les hauteurs, à plus de 4 000 mètres d'altitude et grâce à l'environnement extrêmement sec de certains secteurs, les pénitents trouvent le lieu idéal pour leur formation.

Dans cet environnement, le soleil, sans autres outils que ses propres rayons, sculpte progressivement la glace, dans un processus qui peut prendre des mois. De plus, les impuretés logées dans la neige contribuent également à la formation de pénitents car elles créent des zones sombres qui absorbent une plus grande quantité de chaleur et parviennent à dessiner ces impressionnantes épées glacées pouvant mesurer de quelques centimètres à environ 5 mètres.

De plus, les vents extrêmes que l'on retrouve à plus de 4000 mètres de haut, ajoutés aux changements de température et au fort rayonnement solaire de la saison estivale sont d'autres facteurs qui influencent la création de ces plaques de glace, qui captivent vos yeux peu importe le nombre fois où vous en avez été témoin.

Arrêt obligatoire pour observer ces formes géométriques fascinantes. Un groupe de touristes rencontré la veille arrive en 4x4, c'est le moment de poser pour la photo, la plupart des gens hallucinant quand ils apprennent l'histoire de ce voyage. Silvina arrive presque une heure plus tard , je la laisse respirer et reprend la route vers le refuge histoire d'arriver en temps et en heure pour réceptionner la nourriture. C'est raide, sablonneux, le souffle court, il faut continuer à avancer. parfois un pick-up roule au pas à mes côtés, le chauffeur me bombarde de question, ce qui complique encore l'ascension. Je passe le col puis redescend jusqu'au refuge à 4580m où arrive en même temps Jorge, le guide qui m'apporte les vivres pour la suite du périple. Fruits, légumes frais, chocolat, soupes, etc, un paquet de kilos en plus indispensables à la suite de ce périple .

La curiosité le pique, il veut savoir le parcours que je plannifie, ensuite il reprend la route avec son groupe en direction du balcon ,"del pissis".

Il est midi, j'entre dans le refuge, nickel chrome, il y a tout ce qui faut, réserve de bois , aliments , etc.

Je passe un coup de balais en attendant l'arrivée de mon amie.

Nous avons toute l'aprèm pour nous acclimater, faire une petite sieste, mais la première mission est de trouver de l'eau potable.

Mes notes indiquent une source d'eau potable a moins d'un kilomètre de distance.

De fait ce sont les pénitents qui vont être notre source d'eau potable. Avec la chaleur il est possible de remplir les bouteilles en grattant les bloques de gel.

Retour au refuge pour la sieste, une équipe de la compagnie minière répare un véhicule juste devant, le bruit est assourdissant, difficile de dormir du sommeil du juste, mais même une petite heure de repos est la bienvenue. Les ouvriers nous prêtent un marteau et un tournevis afin d'éclater les grosses buches de bois et de pouvoir les enfourner dans le poêle qui nous réchauffera une fois que le soleil aura passé derrières les sommets, d'autant plus que le vent est froid et violent. Finalement avant de partir ils nous filent un stock de petites poutrelles en bois, ce qui nous permettra de ne pas utiliser le bois du refuge. On lance le feu, cuisiner avec la lumière du jour est plus facile

L'eau va manquer, je retourne aux pénitents mais le soleil s'est fait la malle, le gel est déjà dur comme la pierre, impossible de remplir la poche d'eau. J'en repère un, le plus immaculé possible et le romps à coupe de latte. Retour au refuge, un bloc de gel dans les bras pour le faire fondre au bord du feu. Auparavant il faut décomposer le bloc à coup de pic à glace en l'occurrence mon couteau afin de repartir les glaçons dans les différents récipients. On profite du feu pour utiliser les aliments qui ont besoin d'un temps de cuisson plus long, ce soir au menu c'est millet et légumes frais arrivés avec la livraison du jour.

L'ambiance est chaude tant que les flammes du poêle brillent de mille feu, c'est l'heure de retrouver Morphée, demain la journée sera dur avec deux cols à plus de 4500m d'altitude. Dernière sortie, le ciel étoilé est impressionnant, fascinant d'une telle beauté, aucune pollution lumineuse, de nombreuses étoiles sont visibles alors que nous ne les voyons pas en plaine. Malheureusement il fait trop froid pour rester à les contempler plus longuement. Vite retour à la chaleur du refuge pour se glisser dans le sac de couchage habillé en mode hiver, paire de collant et maillot de corps, bonnet. Nous nous enfonçons dans le sommeil, petit à petit l'intensité du feu diminue et la froideur de la nuit en haute altitude prend possession du refuge.