Encore un réveil aux aurores pour préparer les affaires et avaler de quoi tenir au corps pour les prochaines heures. Parfois tu mets le prix pour une bonne chambre et le petit déjeuner est ridiculement frugal, pour des cyclistes ça ne le fait pas du tout. Du coup, nous passons à la table d'à côté où un grand groupe faisant partie d'une excursion a laissé de la nourriture à foisons, nous nous remplissons les poches et l'estomac avant d'attaquer la journée. L'étape du jour s'annonce plus que difficile, il faudra passer un col à 4548m, affronter les premières hautes altitudes et les inconvénients physiques qui en découlent, le souffle court, la fatigue accentuée, le mal de crâne générées par ce qu'on appelle dans la région "la Puna", une combinaison entre le mal d'altitude et les vents violents de la zone.

C'est parti, retour 10km en arrière afin de s'engager sur le chemin de terre en direction du balcon du volcan pissis.

8h40, adieu la facilité de l'asphalte, bonjour la poussière, une compagnie chinoise a récemment reçu la concession de l' exploitation minière dans la zone. Cela contribue à améliorer grandement le chemin d'accès, par contre cela augmentent énormément le flux de convois exceptionnels et de poids lourd, une bonne quinzaine nous dépassent durant les premières heures de l'ascension en levant se grands nuages poussièreux.

Terre, gravier, sable et inclinaison forte, il est nécessaire de pousser nos montures sur les portions les plus engagées. Au bout d'une bonne heure et demi, arrivée au premier point de ravitaillement en eau potable, une eau cristalline s'écoule d'une petit ruisseau qui descend d'une vallée adjacente à la route.

Soudain, un groupe accompagné de son guide s'arrête non pas pour remplir leurs gourdes, mais pour la pause pipi juste à côté du ruisseau. Le guide me dit que tous les groupes s'arrêtent ici pour pisser, les bras m'en tombent ! Excuse moi mais afin de préserver cette source il serait préférable de laisser 10m minimum entre la rivière et les gens faisant leurs nécessités. Sidérant que même le guide ne soit pas sensibilisé à ce problème. Bref ... Cueillette de monte blanco, une plante de la zone qui facilite la digestion et aide à supporter le mal d'altitude une fois infusé. Reprise de la marche en avant, apparaît un pan de montagne zébré par le chemin marqué par le passage des camions. Apparemment le col est de l'autre côté, la route sera longue aujourd'hui. Le point positif est que l'ancien chemin était de toute évidence impraticable pour pédaler un tobogán et qu'il aurait fallu pousser toute la montée.

Belle surprise au détour d'une des nombreuses courbes de la route en zig-zag, une groupe de vigognes broutte tranquillement et nous laisse nous approcher à distance raisonnable afin de les observer.

Instant national geographic, c'est aussi le moment de nous alimenter en raisins secs pour le coup de boost sucré. Reprise de l'ascension, inclinaison 12% ou plus , il faut pousser .

Il est déjà midi, il commence à faire faim néanmoins nous continuons à monter encore pendant une bonne heure et demi avant la pause nourriture, tentant tant bien que mal de se protéger des bourrasques qui s'intensifient à mesure que nous montons en altitude. Au menu, riz au légumes, cuisiné la veille dans la douceur de la chambre d'hôtel.

Reprise de l'ascension, secoué par les vents toujours plus intenses, la fatigue est de plus en plus forte, le souffle de plus en plus court mais il faut continuer à avancer, aucune autre alternative possible que le refuge de l'autre côté du col.

Ça fait déjà 7h que nous montons et quand y en a plus, y en a encore. Quand nous passons de l'autre côté de la montagne de nombreux zigzags nous attendent encore pour les derniers 200m de dénivelés, au moins 3-4km. Silvina en chie de plus en plus, devant je tape la causette avec un ancien, cycliste qui travaille dans l'environnement. Il le propose d'envoyer un pick-up en contrebas, aller chercher Silvina puis de nous emmener jusqu'au col en chargeant nos bikes à l'arrière du pick-up de son collègue.

Après tant d'efforts, nous sommes bénis des dieux, c'est parti ... En quelques minutes nous voilà à 4548m, la derniers partie nous aurait coûter entre une et deux heures d'efforts supplémentaires. Nous voilà déjà au col, les mecs super sympas nous offrent des gâteaux et une bouteille d'eau. Il nous reste la descente mais aussi passer par une source sur le chemin pour remplir la poche d'eau. Nous allons pouvoir profiter de la fin de journée et du refuge. Sans cette aide tombée du ciel nous serions sans doute arrivées quasiment a la tombée de la nuit.

C'est parti pour la descente, c'est sablonneux et rocailleux, Silvina se prend une belle pelle, je lui rappelle que dans les conditions d'aventure dans lesquelles nous allons circuler les prochains temps, toute chute ou erreur est interdite, cela pourrait mettre nos vies en danger, d'autant plus qu'il n'y aura sous peu plus aucun moyen de communication, ni âme qui vive dans la montagne a part nos deux carcasses pleines de vie et de soif d'aventure et de paysages éblouissants. Arrivée à la source , une filet d'eau potable à même le sol, toute une histoire pour remplir quelques litres d'eau, se baisser, se relever plusieurs fois d'affiler, je commence à avoir mal au crâne. Premiers symptômes de la haute altitude. Apparemment nous avons suffisamment d'eau, dernière descente jusqu'au poussièreux refuge à 4391m, où nous passerons la nuit.

Il y a une cheminée et un peu de bois, le tirage est plus que mauvais, les puissantes rafales renvoient la fumée dans la cheminée et le refuge. Il faut laisser la porte du refuge ouverte pour ne pas s'intoxiquer pendant la coction lente de la polenta aux lentilles, notre dîner du soir, les restes serviront de base pour le déjeuner de demain.


Des camions continuent de circuler pendant que le soleil commence a baissé sur l'horizon et le "cerro de los Aparejos", les lunettes de soleil restent néanmoins indispensables jusqu'au dernier moment, à cette altitude il faut bien se protéger les yeux. Le vent et la température sont d'une froideur extrême, heureusement que nous sommes bien à l'abri dans ce refuge dédié normalement aux situations d'urgence. Le mal de crâne est persistant, mâchouiller des feuilles de cocas avec un peu de bicarbonate mentholé aide à faire passer la désagréable sensation.

Une grande bâche à même le sol, au dessus la couverture de survie puis nos matelas, sacs de couchage, bien habillés et nous sommes prêt pour la nuit. Il fait froid mais à l'abri du vent c'est beaucoup plus supportable. Les portes du refuges sont bloqués avec des pierres et des mousses pour éviter claquement et courants d'air. La nuit est tellement fraîche, le vent tellement violent que durant la nuit je n'ai pas le courage de sortir satisfaire mes besoins, je me soulage dans une bouteille avant de retomber dans un sommeil plus que mérité après une si dure journée.