Épuisé, les dernières heures de train se passent à dormir tant bien que mal, réveillé par un contrôleur un peu trop zélé en plein sommeil profond.

Arrivé à la gare de Bahia Blanca, je retrouve Javier et récupère les affaires dans le wagon à objets volumineux, il reste à mes côtés en compagnie de Marco le policier pendant que j’assemble les éléments de ma monture et ses mallettes. Nous marchons ensuite dans la ville en papotant, arrêt sur un banc pour partager un pamplemousse et une pomme avant de nous séparer.

Quelques blocs plus loin Cami, étudiante en sciences sociales, me reçoit pour me laisser à mon aise dans son appartement, on partage de belles discussions. J’y passe deux nuits dans l’espoir de trouver un véhicule transportant le vélo pour me rendre à Puerto Madryn, peine perdue, aucun plan ne résiste à la vie réelle, les baleines paraissent désormais bien loin. 

En parallèle je sympathise avec Flor une pâtissière qui vit à Punta Alta, à l’opposé de la destination, sans plan, ni itinéraire, seules les rencontres et les énergies dictent le chemin à suivre, direction Punta Alta à 25km au sud-est de Bahía Blanca. Asado Argentino, belles rencontres, maté au bord de l’eau, pâtisseries délicieuses, jeux de sociétés, découvertes du littoral, je ne peux que remercier , Flor, Emanuel, Wanda, Martins et Guillermo, etc, pour l’accueil qu’ils m’ont réservé. 

Comme toujours vient l’heure de reprendre la route, dimanche après-midi, plus de 30 degrés. Au bout de quelques kilomètres, une course de rallye vrombissante croisée sur le chemin, puis première pause à l’ombre sur la place centrale de Bahía Blanca pour manger un morceau avant de poursuivre sous la chaleur intense.

À chaque station essence remplissage des bidons d’eau, fraîche et surtout un peu d’ombre et d’air frais pour baisser la température corporelle. 

Le vent freine la progression et la chaleur également.

La nuit approche, toujours pas d’endroit dissimulé pour planter la tente, mauvais choix dans un chemin de terre pour les deniers rayons de soleil, demi tour, le crépuscule est déjà là, arrivée sur la route principale, la nuit enveloppe doucement le paysage de son manteau sombre, heureusement des arbres un peu plus loin me permettent de m’installer à l’abri des regards, ce sera mon refuge pour la nuit, malgré la proximité de la RN3. Tout de même plus de 90km pour ce jour de reprise avec cette chaleur étouffante. 


Le lendemain, réveil matin , le meuglement des vaches qui s’intéressent à mon vélo taureau, ma sortie soudaine de la tente les effraient, le troupeau s’éloigne puis revient très vite à l’appel de mon meuglement. Pliage, pédalage, il n’est pas 9h qu’il fait déjà presque 30°, ventre vide, le vent de face ralentit déjà ma progression.

35 kilomètres plus loin Patricia et Nelson me reçoivent pour un peu d’ombre, un déjeuner gargantuesque et une bonne conversation.

Une trentaine de km plus loin, pause dans une station essence pou de l’eau et de l’air frais et un mâté avec les employés qui m’apprennent qu’il y a un camping municipal tout proche, un lagon spectaculaire pour le coucher de soleil, et la fête en ville. c’est décidé je reste. le coucher de soleil sur Laguna la Salgada s’avère spectaculaire, mère nature sort sa palette et peint la toile du paysages de tons pastels, au bord du ponton le spectacle est grandiose.

Crépuscule et retour vers la fête du village sur cette route de terre cabossée façon tôle ondulée qui a tant fait souffrir mes poignets à l’aller.

Après la fête, le camping au bord de la rivière où je me suis installé en fin d’après-midi, une nuit de sommeil et c’est reparti pour une belle journée.

les voisins de tente m’invite à boire le mâté, 10h déjà 34° il fait que je prenne la route, et l’univers me réserve une belle surprise, pour une fois le vent est orienté nord, je vole à plus 30km/h avec mon vélo paquebot, à ma grande surprise un papillon m’accompagne, batifole dans le vent à mes côtés puis retourne à ses occupations butinatoires.


Aujourd’hui je passe le portal d’entrée de la Patagonie, de sa diversité, des ses grands espaces et quelle journée.

Au bord de la route, les hautes herbes et les blés sauvages dansent dans le vent, à leurs cimes des graines séchées et des fleurs tanto jaune, tanto violacés.

Une bande de quelques mètres de larges plus fraîchement coupée côtoie l’asphalte et présente un vert éclatant, plus loin les plantes plus anciennes et plus hautes sont déjà jaunies, dorées par le soleil.

Leurs tiges démontrent toute leur flexibilité, en groupe ces plantes paraissent onduler leurs corps longilignes dans la tourmente des bourrasques, dansant avec le vent du Nord de Patagonie 

Les chardons quant à eux sont plus bourrus, plus massifs, leurs grosses tiges restent plus rigide aux fluctuations de la bise, ils résistent tant bien que mal, tentant sans succès d’être indifférents aux variations de celle-ci, de la vie, comme des être insensibles aux changement dont l’égo empêcherait toute évolution, toute progression.

On dit que les enfants sont des éponges, les adultes le sont également pour autant qu’ils ne soient pas enfermés dans leurs convictions et qu’ils se libèrent de leur conditionnement.


Merci au vent, mon allié du jour, encore plus de 30km en une petite heure, il est 15h il fait 38-39° je me dois de trouver de l’ombre, le village de Stroeder près de la route principale est mon unique option avant les 80 prochains kilomètres. 

Direction la place principale du village ou se trouve une petite station essence, deux heures plus tard je quitte Mauricio, avec 5 litres d’eau fraîche, une température corporelle normal par cette chaleur, je veux profiter du vent au maximum, demain sera un autre jour et je ne sais pas comment seront les conditions.

Le jour s’achève, ça fait une heure que je cherche un endroit pour me poser, juste avant le coucher de soleil, soudain au bord de la route, une ruine, ce sera mon asile pour la nuit.

je me douche avec mon litre d’eau, les fesses à l’air au milieu de la nature avec le soleil qui baisse à l’horizon droit devant moi.

Quelle journée, du lourd, 144km en 5h30 de pédalage, je mérite un petit shotka (liqueur de cannabis) que j’utilise également pour préparer mon dîner. Durant la nuit le vent tourne et s’intensifie, demain sera une autre histoire, heureusement la journée sera plus courte puisque il ne me reste qu’une vingtaine de kilomètres à pédaler.

Quelques heures de wifi m’ont permis de trouver un point de chute à Carmen de Patagones, demain je dois rencontrer Melany et Paula.


En Argentine je retrouve cette connexion de cœur similaire au Brésil, spontanément les gens me propose de l’eau fraîche, la plupart des véhicules m’encouragent, un geste, un pousse levé, un Klaxon, toujours une force positive pour me pousser vers l’avant.

Depuis plusieurs mois déjà ce mantra accompagne ma route tous les matins lorsque je commence à pédaler:

« Tout vient à moi avec facilité, joie et gloire. Que puis-je espérer de plus? Univers surprend moi … 

L’énergie positive dicte ma route, elle m’ouvre le chemin et le cœur des gens merveilleux que j’ai la chance de croiser.