La nuit dans les toilettes homme nous permet de partir plus tôt puisque il n'est pas nécessaire de démonter la tente et attendre qu'elle sèche. Il est 7h20 lorsque le réveil nous tire de notre sommeil, il fait encore nuit, l'atmosphère est brumeuse. Organisation des bikes en mode bikepacking afin de limiter le poids au maximumq, un brin de toilette, puis vient l'heure de mettre le premier coup de pédale. Muchi, la chienne qui m'a adoptée durant ce bref séjour au camping cocodrilo nous suit jusqu'à la sortie du village. À mesure que nous nous éloignons de la retenue d'eau du barrage, la brume se dissipe, le ciel bleu apparaît et l'astre solaire illumine notre chemin. Retour à Tafí del Valle via la route de terre empruntée il y a quelques jours. C'est toujours intéressant de reprendre la même route dans le sens inverse, ça change la perspective et le point de vue.

Arrêt dans un petit restau, sous le soleil , qui sert d'excellents petit-déjeuners, riches et bien complets. Le plein d'énergie sera plus que nécessaire pour l'ascension qui nous attend.

Il faut prendre l'avenue Franciscano jusqu'au quartier pied de la côte où s'engage le sentier de trekking, avec un bike chargé va falloir pousser un sacré bout puisque le sentier est généralement parcouru par gauchos montés sur leurs chevaux ou leurs mules accompagnés de leurs chiens ainsi que des randonneurs avident de découvrir les prairies, les montagnes et plus loin les paysages de jungle verdoyante de las Yungas.

Ça monte fort jusqu'au dernier mètre d'asphalte ou le sentier nous tend ses bras de terre rocailleuse. Dès le début c'est le parcours du combattant, l'étroit sentier est jonché de roches diverses qui entravent la progression, bloquent les roues, empêchent le vélo de passer. il faut alors lever la monture chargée, escalader, tirer, pousser, lever, se frayer un chemin de quelque façon que ce soir afin de continuer à avancer. Lorsque c'est trop dur on s'y met à deux pour soulever le vélo, le hisser vers le haut et franchir, gravir le prochain obstacle naturel. Très vite, le démontage des pédales est préférable afin qu'elles ne tapent pas régulièrement dans les tibias.

Doucement, en prenant de la hauteur, la vue sur Tafi del Valle, El Mollar, la dique, le barrage et les sommets environnants devient de plus en plus panoramique, de plus en plus spectaculaire. Souvent nous nous arrêtons pour souffler, baisser les pulsations et profiter du paysage. Le sentier rocailleux serpente dans le versant escarpé en croisant fréquemment les chemins empruntés par les bovins de la zone que très vite nous employons également car moins creusés, moins caillouteux, ils permettent parfois de pousser au milieu de la prairie. Parfois, évidemment, car toujours, nous revenons inévitablement vers le sentier principal ou la prochaine épreuve de force nous attend. Au bout de 3 heures, 2km et demi et plus de 300m de dénivelé, arrivée au pylône électrique qui marque le début d'une prairie qui nous autorisent enfin à pédaler un morceau. La première partie est plutôt plane et descendante, elle passe très vite, puis c'est reparti pour pédaler dans la prairie ascendante au milieu de quelques chevaux qui broutent en paix sur les hauteurs. Une petite demi-heure de pédalage et nous voici au pied du deuxième défi de la journée, sinueux à souhait, le sentier toujours rocailleux et encastré, remonte une pente à plus de 10% d'inclinaison. Il est déjà 14h30, pause déjeuner obligatoire avant d'en chier et de s'époumoner dans la prochaine montée. Encore deux heures d'effort intense, épuisant pour finalement arriver au sommet. On est déjà cuit, enfin les pédales peuvent être remontée et servir à quelque chose. La progression sur le vélo est bien plus rapide néanmoins il faut faire très attention à ce que les pédales ne touchent pas les bords de la trace creusée dans le sol, ce qui aurait pour conséquence d'aller valdinguer en aval de la montagne. Dès que c'est possible on avance dans la prairie bosselée, en suivant plus au moins la trace. Belles portions de descente et de fun après tant d'efforts. Néanmoins ça n'est pas aussi simple qu'il n'y paraît, de grandes zones rocailleuse, le franchissement de rivières ou de ravines et sillons creusés par les eaux empêchent souvent la progression, il faut alors repasser en mode guerrier pour laborieusement faire passer la monture d'une manière ou d'une autre. C'est exténuant.

Il est presque 18h lorsque nous arrivons à la première bergerie où il serait possible de camper, avec l'aval du proprio, les derniers rayons de soleil en prime mais pas de source d'eau potable à proximité. Décision est prise de poursuivre jusqu'à l'ancienne école de la Cienaga. Selon le berger, mis à part le début le reste du chemin est en descente et praticable à vélo. Tous comme les automobilistes, les cavaliers n'ont pas une très grande notion des repères et praticables cyclopèdes. Un joli ride en partie, mais encore quelques efforts surpuissants afin de franchir les derniers ruisseaux , ravines et monticules de rocailles qui enrayent la fluidité de la révolution des pignons entraînant les roues sur la prairie verdoyante.

Peu avant le coucher de soleil, arrivée à l'ancienne école de la Cienaga, aujourd'hui utilisée comme hébergement puisqu'il n'y a plus d'enfant dans la zone. Seules 6 familles vivent encore à temps complet isolées dans ces somptueuses montagnes, uniquement des adultes. L'auberge est déjà occupée par Ulysse guide local et deux de ses clients. Pas besoin de monter la tente, nous dormirons à même le sol dans le réfectoire. Ce soir c'est grand luxe, eau chaude, électricité, à l'abri du vent, un verre de vin rouge, un bon dîner avec des légumes frais, une voûte céleste qui finit par être totalement étoilée, rien de mieux après une si dure journée qui a vu s'enchaîner les épreuves intensives.