Dimanche matin le soleil brille, je veux partir tôt mais je ne veux pas réveiller les filles. Je boucle mes affaires et finalement j’entends Nati qui bouge, je leur prépare un dernier petit déjeuner qu’on engloutit tous ensemble avant de prendre la route , direction le jardin botanique pour pouvoir entrer sur la BR277 en direction de Paranaguá. Aramis m’a dit que la route de la Limeira commence au km24, je me rends vite compte qu’il parlait du kilomètre 24 en partant de Paranaguá, du coup je vais avoir plus de 60km sur l’autoroute jusqu’à l’entrée du dit chemin. heureusement c’est un axe fréquenté par les cyclistes et les automobilistes ont l’habitude de voir des mecs pédaler sur le bas côté. Néanmoins ça me fait tout bizarre lorsque je passe mon premier péage à vélo, en arrivant au portique une dame me signale qu’il y a un petit chemin sur le côté afin de le contourner.

La première partie est essentiellement en montée et je me dit que la journée va être compliqué, mais finalement lorsque j’atteins la serra da mata atlântica, commence la descente. Le paysage est vertigineux avec des sommets verdoyants tout autour de moi, je sillonne cette route à plus de 50km/h sans pédaler et rattrape le temps perdu ce matin en traînant au petit déjeuner. Au final j’engloutis les 65km en moins de 2h30 en m’arrêtant pour boire un jus de canne à sucre et citron vert histoire de rebooster mon taux de sucre pour la suite. A l’entrée de la route je bavarde avec deux motards qui viennent de faire le chemin que je m’apprête à suivre. Ils me préviennent que la montée sera difficile mais qu’il y a abondance d’eau potable ainsi que des coins pour planter la tente. Le chemin est bien défoncé et ce ne sera pas facile à vélo.

Ça fait un moment que je n’ai pas pédaler du chemin technique, depuis Minas Gerais à vrai dire et j’avais plusieurs kilos de bagages en moins. Je reste positif, ça va le faire comme d’habitude! 

Première grosse bosse, mon panier arrière droit s’envole, tient ça me rappelle encore Minas, évidement je perds la cale du support, heureusement j’en ai encore quelques unes de rechange pour le moment. Dépannage rapide, j’amarre le tout avec des sangles (ce que je n’avais plus besoin de faire sur la route) et c’est reparti. 

Effectivement la montée est ardue, par contre quel bonheur d’écouter à nouveau le chant du roulis des eaux et des ruisseaux, les oiseaux, de beaux sommets droit devant et un ciel azur. Je tombe le teeshirt dans la partie ensoleillé et me retrouve rapidement à pousser mon paquebot tellement la montée est raide et le chemin sans adhérence. Je profite alors du premier coin d’ombre pour manger quelques fruits et relancer la machine en alternant entre le pédalage et la poussette. Quelques habitations, un décor bucolique, beaucoup de sueur et j’arrive enfin au col. Dans la descente les rivières et les torrents s’enchaînent tous l’un plus transparent que l’autre. Certaines portions du chemin sont super engagées et avec le poids il est difficile de tenir le vélo, petite chute, je laisse partir la roue avant et je saute du vélo en courant, rien à signaler, c’était plutôt bien gérer. Il y a plus de 70km jusqu’à Garuva la prochaine ville, ce soir il me faudra sans aucun doute trouver un endroit pour camper. Plus exigeant le chemin de terre consomme beaucoup plus d’énergie que la route, soudain un homme sur un pont profite de la vue, et moi j’en profite pour lui demander des infos notamment sur la question de l’eau. Il me dit que je peux sans problème boire l’eau de la rivière, qu’ici elle pure, que tous les habitants la boivent et que d’ici le prochain pont j’aurais un accès plus facile à la rivière , que je pourrais remplir mes bouteilles. Il me donne des mandarines en attendant puis nous nous quittons. Le pont suivant, l’accès est un peu plus facile bien qu’il faille remonter un peu le cours de la rivière dans la végétation, je choisis un endroit avec du débit et rempli mes bidon non sans une petite appréhension, mais je la goute et ça a l’air parfait.

Dans moins d’une heure il fera nuit et je n’ai toujours pas trouvé d’endroit propice à l’installation de mon campement, au bout de 85km ma roue dérape dans le sable après une belle bosse et un changement de direction trop brusque. Je me retrouve la face dans le sable, genoux, coude et main gauche écorchés vifs, un petit ruisseaux non loin de là me permet de me rincer et de nettoyer les plaies. je reprend ma route et me dit qu’il est temps de trouver un spot, un homme au bord de la route m’indique une fazenda dans quelques km où je pourrais planter la tente mais même pas un kilomètre plus loin je passe devant une grande plantation de banane avec une rivière sur le côté. L’accès est fermé par une corde, c’est dimanche donc aucun travailleur, j’y vais et passe sous la corde. 

De suite sur le côté une petite maison avec une étendue d’herbe où je pourrais m’installer, la vue y est belle, il y a un abrit pour laisser le vélo, mais une mauvaise odeur désagréable de fermentation, en plus c’est prêt de la route et si des travailleurs apparaissent demain matin c’est le premier endroit où ils viendront. Je décide de profiter de la rivière avant la tombée de la nuit pour me laver et ensuite m’enfoncer dans la plantation. Quelques minutes plus tard je me retrouve nu dans la rivière à prendre mon bain, ce qui est toujours plus agréable que de camper tout poisseux dû à la sueur et de l’effort du jour.

Après le bain j’enfile mes habits pour la nuit et une paire de tong, je commence à chercher un endroit dans la plantation, une rivière de 20cm de profond devant moi, je décide de la passer pour être plus tranquille et de m’installer sur le premier endroit acceptable. En passant la rivière une de mes chaussures tombe dans l’eau et heureusement je m’en aperçoit avant que le courant ne l’emporte, mais elle est détrempée. 500m plus loin au croisement d’un autre chemin et prêt d’un canal d’irrigation, j’installe mon campement. Le soleil se couche et le ciel prend de jolis tons orangers sur fond bleu. Il me reste quelques minutes pour monter la tente avant la nuit et commencer à préparer mon dîner. Je m’installe et lance le feu avant la nuit. Ce soir c’est dîner des plus simple, une soupe chinoise que j’agrémenterai d’un œuf poché et une orange en dessert. Je finis mon dîner dans l’obscurité, un crapaud curieux m’effraie en me sautant sur mes pieds nus, la lune n’est pas encore sorti, ce qui me permet de contempler la Voie lactée. J’ai téléchargé une application pour apprendre les différentes constellations et j’en profite pour repérer La Croix du Sud et tenter de m’éduquer un petit peu.

Après la contemplation il est l’heure de dormir, je m’installe dans ma petite tente pour y trouver le sommeil.

Je me réveille assez tôt, il fait encore nuit mais le bourdonnement sourd et intense des ailes d’un colibris à proximité me fait office de réveil matin. Le jour va se lever sous peu, je m’extirpe de la tente pour pisser un verre puis m’y engouffre à nouveau pour une petite demi-heure car les moustiques aiment particulièrement cet horaire pour dévorer quelconque chaire fraîche. La tente est toute humide dû à la proximité du canal, je somnole encore une petite heure puis me lève, le ciel est bien nuageux, ça sent la pluie, je n’ai pas intérêt à traîner car il me reste environ 50km de chemin de terre jusqu’à Garuva, première ville de l’état de Santa Catarina. J’ai faim, le dîner de la veille était léger, je mange pomme et orange agrémenté d’avoine tout en pliant mes affaires et en tentant de faire sécher les toiles et les tapis de sol humides. Tout le matériel extérieur finit par être emballer encore mouillé. Les affaires plies je repasse la rivière cette fois en faisant attention à mes souliers. De l’autre côté un régime de bananes mûres à même le sol, j’en ramasse quelques une pour compléter mon petit déjeuner et commence à pédaler. Je dois trouver de l’eau, au bout d’une heure je me renseigne auprès d’une dame qui balaie devant sa maison, elle m’informe qu’il y a un ruisseau au sommet de la colline sur le côté de la route qui est une source fiable. Ça me rassure car un peu plus bas il y a des bovins ce qui ne rime pas avec eau potable. Arrivée au sommet il y a même un tuyau avec un robinet, la grande classe.

Au bout de deux heures de pédalage une petite épicerie sur le côté me permet de boire un jus de citron et manger deux œufs durs, une petite causette puis je reprends mon effort. Le chemin est super bosselé et ma lampe avant qui a souffert de la chute de la veille n’y résiste pas, le support se casse et la lampe est désormais uniquement maintenue par les fils électriques. J’improvise une réparation express avec du « dut tape » alors qu’il commence à bruiner. J’enfile mon goretex et recommence mon effort jusqu’au prochain petit village où je trouve un endroit pour manger un plat du jour sous un couvert. L’endroit est tenu par un couple, la nourriture est délicieuse et je profite d’un wifi pour étudier le reste de mon chemin. La bruine se transforme en pluie et il me reste 26km de chemin de terre avant Garuva. Moi qui espérait continuer encore après cette ville sur de l’asphalte, ça s’annonce compliqué. 

J’enfile les gants et mon buff et je me remets à l’ouvrage sous une pluie qui ne cesse de s’amplifier.

Ma chaîne qui vient d’être réviser à Curitiba est d’un coup beaucoup trop tendue elle tire trop fort sur les pignons arrières, le bruit qui en résulte n’annonce pas grand chose de bon. Il y a beaucoup de hangars sur les côtés en raison des nombreuses plantations de bananes de la région, au prochain je m’arrête pour regarder et en profiterai pour m’essorer.

La chaîne est toute encrassée, un ouvrier vient voir ce qui se passe et me montre un tuyau pour la nettoyer. Je décharge tout mon matériel, nettoie le bike et la chaîne, la sèche, relâche la tension en faisant bien attention au centrage, lubrification rapide , puis je recharge le bike et me remets en route pour les dix derniers kilomètres sous une pluie bâtante. J’ai pensé à camper sous le hangar mais mes affaires encore humides, mes habits désormais mouillé et mon faible stock de nourriture m’en ont dissuadé.

En arrivant à Garuva je suis trempé, je m’arrête au premier bistrot pour prendre des informations, boire une bière et manger une coxinha. 

Apparement trois hôtels dans le coin dont deux situées dans des stations essences.

Je passe par le supermarché pour m’acheter des fruits et des légumes puis vais en quête d’un endroit pour dormir. La première option à la station essence est hors de prix et visiblement les autres options sont du m'eme acabi. Impossible de négocier, je décide d’aller voir en ville où se trouve la deuxième option. Choix payant c’est un peu moins cher et d’un standing supérieur, je peux même laisser mon vélo à l’abris et accrocher ma tente et mes affaires à sécher. La chambre est agréable, le propriétaire a beaucoup voyagé à moto et le café est compris et copieux. Je vais profiter d’une bonne nuit de sommeil au sec car sous la tente on ne récupère jamais à 100%. Je prépare mon dîner dans la salle de bain sur mon brûleur à gaz, au menu, courgettes, oigons, ails que je fais revenir puis cuire à l’étouffé avec du riz complet. Ce soir je ne fais pas de vieux eaux.